Aujourd’hui de nombreux changements techniques et légaux sont en cours au sein de l’écosystème digital.

Entre les nouvelles directives en vigueur qui renforcent la protection des données personnelles de l’utilisateur (RGPD) et la fin des cookies tiers prévue par les navigateurs internet, les acteurs du secteur de la publicité et du marketing digital sont en pleine recherche de solutions et d’alternatives.

Il devient difficile pour certains acteurs, notamment les éditeurs, de savoir ce qu’il est  mieux d' appliquer pour la monétisation de leur site internet.

Bien qu’il existe, d’ores et déjà, de nombreuses alternatives proposées par certains groupes de travail (coordonnées par l’IAB, Criteo, Google etc.) : ciblage contextuel, Privacy Sandbox, Projet Rearc ou bien encore des initiatives telles que  l’Universal ID etc. A ce jour, toutes ces pratiques ne sont pas validées d’un point de vue légal.
C’est le cas notamment du Cookie Wall, dont la mise en place pose de nombreuses questions.

Tous ces changements et nouveautés créent de la confusion pour  les professionnels de l’écosystème digital et les internautes.


Le cookie wall est une pratique qui a pour but de bloquer l’accès à un site ou à une application à l’utilisateur tant qu’il n’a pas effectué d’action volontaire telle que consentir à l’utilisation de traceurs et à l’utilisation de ses données personnelles à des fins publicitaires, ou encore s’abonner, s’inscrire à la newsletter ou au service du site web.

Pourquoi les éditeurs ont-ils commencé à employer les cookies walls ?

Les éditeurs peinent à monétiser leurs sites web à cause des différentes réglementations qui se mettent peu à peu en place, les faisant entrer dans un flou aussi bien juridique que technique.

C’est pour cette raison que des outils comme le cookie wall ont vu le jour afin que les éditeurs puissent continuer de monétiser.

L’utilisation des cookie walls est-elle une pratique viable dans le temps ?

Bloquer l’accès d’un site web à un utilisateur et l’obliger à faire le choix de consentir ou de s’abonner à son site  par exemple, est une manière de contraindre ce dernier à effectuer une action, ce qui, semble être contraire aux exigences des législations en vigueur.

En ce sens, une telle technique ne peut être perçue comme étant une solution adaptée dans le temps.


L’utilisation des Cookies Walls est-elle contraire à la loi ?

C’est ici la question qui fait débat et qui semble complexe à déterminer.

En effet, le consentement a été défini par le Règlement Général sur la Protection des Données comme étant « toute manifestation de volonté, libre, spécifique, éclairée et univoque par laquelle la personne concernée accepte, par une déclaration ou par un acte positif clair, que des données à caractère personnel la concernant fassent l'objet d'un traitement »

Or, l’obtention du consentement ou non ne doit pas induire une limite à l'accès à un service. C’est en cela que le cookie wall pourrait être considéré comme une pratique contraire à la législation.

En effet, le Comité européen de la protection des données (EDPB) a adopté des lignes directrices en mai 2020 qui stipulent que les cookies walls ne sont pas un moyen valide d'obtenir le consentement. Puisque comme le RGPD l’a mentionné, le consentement valide doit être donné librement, or les cookies walls ne laissent pas nécessairement aux utilisateurs un véritable choix.

La CNIL avait suivi cette optique, en 2019, en interdisant l’utilisation de cookies walls. A la suite de cette décision, le Conseil d’Etat dans sa décision du 19 juin 2020 a affirmé que la CNIL, en estimant que l'accès à un site internet ne pouvait pas être subordonné à l'acceptation de cookies, s'est livrée à ce que l'on appelle un « excès de pouvoir » et n’a donc pas respecté les limites qui lui ont été assignées par la Constitution ou par la Loi.

Face à ce jugement du Conseil d’Etat, la CNIL a reformulé sa demande au marché dans ces nouvelles lignes directrices adoptées le 17 septembre 2020, où elle indique désormais que « le fait de subordonner la fourniture d’un service ou l’accès à un site web à l’acceptation d’opérations d’écriture ou de lecture sur le terminal de l’utilisateur (pratique dite de « cookie wall ») est susceptible de porter atteinte, dans certains cas, à la liberté de consentement ».

Dans certains cas ?

Ce terme mentionné par la CNIL ne signifie  pas une autorisation généralisée du cookie wall.
La règle reste donc l’interdiction et son utilisation légale en reste l’exception et est sujette à validation par la CNIL.


Le Paywall :

C’est une pratique qui consiste à restreindre l’accès à certains contenus de sites (tels que les articles de sites de presse par exemple) voire à restreindre l’accès complet au site web à un internaute, si ce dernier n’a pas souscrit d’abonnement.

Le Paywall (utilisé depuis plusieurs années déjà par certains médias) est désormais considéré comme un moyen permettant de limiter l’utilisation de cookies walls qui semblent enfreindre la notion de consentement libre.
Le service fourni par le site web devient payant soit de façon numéraire soit financé par la donnée publicitaire.

Cette solution semble intéressante, néanmoins,  elle ne peut malheureusement pas être employée par tous les éditeurs, car  certains n’ont pas un contenu ou service suffisant pour que les internautes acceptent de souscrire à un abonnement.

Comment cela fonctionne-t-il ?

Le plus souvent, le paywall va s’activer si l’internaute ne possède pas de compte abonné ou de compte dit “premium” et qu’il refuse les finalités publicitaires proposées par le site.

L’internaute peut  alors se voir proposer un accès restreint au contenu du site, par exemple par la mise en place d’un bandeau limitant la visibilité du site.

C’est notamment l'approche intéressante de l’Obs et Le Monde, qui affichent sur leurs sites un large bandeau pédagogique afin de couvrir un tiers de la page web sur ordinateur et sur mobile lorsque l’utilisateur ne souhaite ni s’abonner ni ne consentir à l’utilisation de ses données personnelles à des fins publicitaires.


Le log wall :

Le fait de se loguer est, cette fois-ci, une pratique qui consiste à permettre à un utilisateur de s’identifier à un site web afin de pouvoir accéder au contenu.

Il s’agit une nouvelle fois d’une solution intéressante car elle permettrait aux éditeurs n’ayant pas le contenu nécessaire à une proposition d’abonnement de mettre en place une alternative. Cela étant, le problème mentionné pour l’utilisation du Paywall se retrouve également dans ce cas présent. Effectivement, si un site ne possède pas un contenu suffisamment attractif, il sera difficile pour ce dernier de pousser les utilisateurs à se créer un compte.

D’autre part, d'un point de vue légal, les éditeurs devront prêter grande attention à l’équilibre qu’ils proposeront à l’utilisateur. Pour que l’alternative soit viable, la création d’un compte utilisateur ne signifierait-elle pas la non utilisation de tout traceur et toute donnée à caractère personnelle?
L’utilisation de ces techniques reste donc finalement toujours sujette à la validation de la CNIL en France. Ces techniques évoluent, les propositions et les A/B testent se multiplient,  mais il semble clair qu’elles ne sont pas  la solution parfaite pour les acteurs du secteur de la publicité et du marketing digital.

Sur ces trois pratiques (Cookie Walls, Paywalls et Log Walls), pèse donc une réelle incertitude juridique qui reste à éclaircir par les régulateurs dans les mois à venir.


Et dans les autres pays européens ?

Ces différents questionnements concernant la ou les bonnes pratiques à utiliser sont discutés un peu partout en Europe.

Par exemple, l’utilisation des Cookie Walls n’est pas un cas réservé aux éditeurs français. Nous constatons que les interrogations autour de son emploi sont effectivement présentes au-delà de nos frontières.

Or, pour d’autres pays, la réponse concernant la légalité des cookies walls a été clairement énoncée, puisque, que ce soit l'ICO britannique, l'AP néerlandaise ou l'AEPD espagnole, ces agences de protection des données ont décidé que les cookie walls ne sont pas légaux ou autorisés car ils n'offrent pas d'alternative au consentement.


En l’état, l’ensemble de ces alternatives ne peuvent donc pas être considérées aujourd’hui comme étant des solutions “miracles”.

Et cela, d’autant plus que les régulateurs doivent encore se prononcer clairement à leur sujet. Il est fort probable que ces prochains mois seront riches en évolution, mais il est encore  impossible de prendre une décision arrêtée sur ce thème à ce jour.


Pour plus d'informations sur les évolutions à prévoir, retrouvez notre article complet sur le monde post-cookies ici :

Quel visage pour un monde post-cookies?
Quel visage pour un monde post-cookies?